Un jeu vidéo pour combattre le surpoids
Jouer à un jeu vidéo et se mettre à perdre du poids sans même s’en rendre compte. C’est ce que propose Neuria, qui vient de recevoir le Prix à l’innovation du canton de Fribourg dans la catégorie start-up. Entretien avec l’un des fondateurs, Lucas Spierer.
Neuria
15/12/2022
PHOTO: © STEMUTZ
Gagner un tel prix, c’est un facteur de motivation?
Oui, ça apporte beaucoup de confiance lorsqu’on démarre dans l’entreprenariat. Nous avons gagné trois prix: le Future of Health Grant, de l’EPFL/CSS, le Prix à l’innovation du canton de Fribourg et le prix Rosenfield de l’accelerator showcase de l’EPFL. Ces compétitions contre de très bonnes start-up MedTech apportent de la visibilité et de la crédibilité. J’ai l’impression qu’elles fonctionnent comme des filtres auprès des investisseurs qui détectent où il y a de l’argent à gagner.
Quelle est l’origine de Neuria?
Neuria est le spin-off de mon laboratoire de neurosciences de l’Université de Fribourg, en Section de médecine. Durant nos recherches, nous nous sommes intéressés à la plasticité cérébrale pour comprendre comment l’on pouvait améliorer la réhabilitation des patients cérébrolésés et aider les individus sains à développer des expertises. Nous identifions les interventions d’entraînement cognitif les plus efficaces et les modifications dans le cerveau qu’elles induisent.
Pendant 10 à 15 ans, nous sommes intéressés aux capacités de self-control, parce que ce sont d’excellents prédicteurs de réussite scolaire et sociale. En améliorant le self-control, avions-nous postulé, on arriverait à améliorer de nombreux aspects de la vie. Nous avons trouvé des tâches qui sollicitent ce réseau de self-control et nous avons proposé à des gens de les pratiquer intensivement pour le renforcer afin d’améliorer leur quotidien.
Puis nous sommes parvenus à la conclusion que ce n’est pas possible! Les gens deviennent très bons dans les tâches entraînées, mais il n’y a pas de généralisation des effets dans leur vie. C’est la conclusion de tous les groupes de recherche du domaine. Pour faire court, jouer aux échecs ne rend pas plus intelligent, mais apprend à bien jouer aux échecs, de même pour la musique. C’est un invariant: on s’améliore aux tâches qu’on entraîne, mais il y a très peu de transfert.
On était donc encore loin de la création d’une entreprise?
Nous avons découvert que nos entraînements avaient un effet secondaire inattendu: ils amenaient une baisse du goût pour les objets utilisés dans les tâches proposées. Si je vous entraîne avec des images de nourriture, au bout d’un moment, vous voulez moins manger les mets représentés, vous faites moins d’efforts pour les avoir. Et ça, c’est très intéressant pour modifier les comportements.
Cette découverte est à la base de Neuria. Nous avons trouvé comment moduler les réponses du système de récompense dans le cerveau, qui est à la base de nos préférences. Nous avions aussi développé pour nos recherches un logiciel sur smartphone que nous avons gamifié à un niveau professionnel. Comme nous pouvons appliquer cette découverte à la nourriture, au tabac, à l’alcool, nous nous sommes dit qu’il serait opportun de proposer nos interventions sur le marché.
Neuria est donc fondé autour de la découverte d’un mécanisme d’action qui permet de modifier nos préférences et qui a été mis sous la forme d’un jeu vidéo applicable à l’obésité, au surpoids, au tabagisme et à d’autres addictions. En jouant 15 heures pendant un mois, les préférences des joueurs sont modifiées durablement sans qu’ils s’en rendent compte.
Comment êtes-vous entré en contact avec bluefactory?
Lorsque nous avons constaté que nous avions un MVP – minimal viable product –, nous avons voulu créer une entreprise, à la fois pour contribuer à la santé publique et pour acquérir des moyens pour financer notre recherche académique.
Mais je n’avais aucune idée du monde de l’entreprenariat. Je suis allé voir Tech-Transfer Fribourg, qui nous a beaucoup soutenus et aiguillé vers Fri Up, qui nous accompagne désormais. Maurizio Rigamonti – développeur de notre logiciel – était déjà installé sur le site avec Sugarcube. Il est aujourd’hui le CTO de Neuria. C’est très important de bénéficier d’un accompagnement et de pouvoir échanger avec des gens d’autres horizons sur le site de bluefactory.
Quelles sont les prochaines étapes pour Neuria?
Notre but, maintenant, est de lever des fonds. Et dès que ce sera fait, nous allons engager quelqu’un pour développer l’entreprise, car nous avons encore besoin de nouvelles compétences pour passer aux étapes suivantes. Nous travaillons avec des artistes spécialistes du jeu vidéo, des développeurs, des psychologues et d’autres scientifiques.
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